Julie Meunier, d’un PVT au Pvtistes.net

Pour ceux qui ne connaissent pas encore le Programme Vacances-Travail (PVT), il permet aux 18 à 35 ans d’une soixantaine de pays de partir vivre et travailler à l’étranger pendant 1 ou 2 ans. En tapant PVT dans Google, ce qui ressort en premier est le site Pvtistes.net, une véritable référence francophone à consulter avant votre départ à l’étranger. Mais que sait-on sur les initiateurs de ce formidable projet né d’une nécessité et devenu finalement un mode de vie?

Julie Meunier, co-fondatrice et chargée de communication de Pvtistes.net, nous plonge dans l’histoire du projet en parlant de la collaboration avec la CITIM, organisme communautaire qui accompagne gratuitement les pvtistes installés à Montréal en leur offrant un programme sur mesure.

Qui est Julie Meunier?

Par quoi on se définit ? Si je prends le côté PVT / pvtistes.net, disons que j’ai fait des études de langues étrangères appliquées (anglais-espagnol) et pour être honnête je me demandais parfois si j’apprenais vraiment à parler anglais. À la fac, je faisais des traductions, j’écoutais mes professeurs, mais j’avais besoin d’une immersion, d’où l’idée de partir à l’étranger.

En 2005, j’étais en couple avec Mathieu et je lui ai proposé de partir au Canada, plus précisément à Toronto. C’était l’occasion idéale de pratiquer l’anglais. J’avais trouvé un programme qui s’appelait PVT (Programme Vacances-Travail). Mathieu était hésitant, mais je suis revenue à la charge plusieurs fois et finalement, il a cédé. En commençant à faire nos recherches, on s’est rendu compte que sur Internet, il n’y avait pas grand-chose sur ce programme.

Mathieu était dans le domaine de l’informatique, alors nous avons créé un petit site / forum de discussions, une sorte de blogue autour du PVT. C’est là qu’est né pvtistes.net. Avant notre départ vers le Canada en septembre 2005, il y avait déjà plusieurs centaines de personnes inscrites sur le site, car le forum de discussions était bien référencé par Google.

Petit à petit, nous avons fait de pvtistes.net une ressource gratuite pour tous ceux qui veulent partir en PVT, pour préparer leur départ et demander leur permis et mettant à disposition un forum de discussions. Aujourd’hui, le site est beaucoup plus gros et on est présents un peu partout (Facebook, Instagram, You Tube…) mais on garde nos valeurs du début. Nous sommes toujours aussi contents de venir en aide aux gens qui partent en PVT. Mathieu, qui est maintenant citoyen canadien, travaille depuis le Canada et moi de France.

Après mon PVT au Canada, je suis rentrée en France, mais très rapidement je suis repartie en PVT, en Australie.

Ça a été mon dernier PVT. Je ne suis plus vraiment partie ensuite… juste en voyage prolongé de quelques mois, 1 mois aux États-Unis, 3 mois en Nouvelle-Zélande, ce qui est déjà super. Mais parfois, je me dis que je suis une « vieille » pvtiste. Voilà ce que je peux dire en gros sur moi.

Le projet pvtistes.net semble avoir eu une grande influence sur ta trajectoire de vie. Cependant sans toi le projet ne serait pas le même. Qui a influencé qui?

Très bonne question. C’est sûr qu’au début, en tant que fondateurs, Mathieu et moi, nous avons façonné le site : Mathieu, sur la partie informatique et moi, sur la partie rédaction.

Initialement conçu pour le PVT Canada, pvtistes.net est ensuite devenu un site sur le PVT en général. Nous avons été bénévoles pendant 7 ans jusqu’à 2012, quand nous avons développé des partenariats pour pouvoir nous consacrer entièrement au projet tout en couvrant nos frais. Nous sommes sur un fonctionnement horizontal.

Quand on me demande ce que je fais actuellement comme travail, je ne sais souvent pas quoi répondre. Pendant longtemps, dans ma signature d’e-mail, je marquais juste « co-fondatrice » et plus tard, j’ai ajouté « chargée de communication ». Aujourd’hui je m’occupe des salons, je suis rédactrice, animatrice des événements, des sessions d’information et des rencontres pvtistes quand c’était possible en présentiel. « Experte en mobilité internationale » pourrait aussi être un titre qui convient. Comme tu dis, le site m’a « obligé » à aller dans plein de choses différentes et à m’autoformer. C’est assez intéressant. Tu as raison, ta question est tout à fait pertinente.

J’ai l’impression d’être un peu multitâches et de ne pas avoir un poste bien précis avec un titre qui me définit. Parfois je me dis que je suis un peu une femme à tout faire sur pvtistes.net, mais ce n’est pas très joli comme description. C’est ça qui est intéressant quand on crée son poste : on a la sensation qu’on exerce plusieurs postes à la fois selon les jours, les besoins, les envies… On a une telle liberté quand on gère son propre site.

On est un site d’information et excepté à l’ouverture des rondes PVT, qui est un moment crucial chaque année, c’est nous qui décidons quand on met du contenu en ligne. Je reconnais que si un jour, je dois revenir à un poste de salariée, peut-être que ça va être un peu compliqué. Il y a des contraintes différentes quand on est en entreprise. J’ai conscience de la liberté que j’ai et de la chance d’avoir cette liberté.

Au début du projet, le mot « pvtistes" n’existait même pas dans Google. Aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. Quel a été votre apport à la publicisation de ce terme?

Cette année, on fête les 20 ans de la signature de l’accord du PVT entre la France et le Canada qui est rentré en vigueur le 1er juin 2001. Les premières années, le programme était peu connu parce que le Canada n’en faisait pas beaucoup la promotion, ni la France d’ailleurs. Donc quand on a monté le projet, on a dû réfléchir à un nom. En partant de « PVT », on s’est dit « PVTeurs », qui était assez moche. Enfin, on a pas mal réfléchi et Mathieu a proposé le mot « PVTistes ». Et puis on l’a déposé comme marque en France et au Canada. C’est une protection pour ne pas avoir des gens qui s’essaient de se faire passer pour nous.

Au fil du temps, on a gommé les majuscules pour éviter d’être appelé « PVTéistes ». Aujourd’hui il y a encore des gens qui nous appellent « PVTéistes », car quand on prononce « pvtistes », on ne respecte pas la sonorité du mot PVT. Bien qu’il soit très connu des pvtistes, ce mot qu’on a inventé reste encore inconnu par le grand public.

C’est comme ça que l’aventure a commencé en juillet 2005, avec la création du Pvtistes.net.

Et si on parlait d’un kit de survie des pvtistes, quels conseils inclurais-tu dedans?

Quand on me demande les principaux conseils pour réussir son PVT, je conseille à passer un peu du temps sur pvtistes.net parce qu’il y a des informations, mais aussi des témoignages. En lisant des choses factuelles et en ayant des retours d’expérience, les gens gagnent en confiance. Ils aiment bien entendre les choses de la bouche de voyageurs, et pas seulement parcourir un tutoriel.

Il faut bien respecter les économies qui sont indiquées par les différents pays du PVT. Chaque pays demande plus ou moins 2 500 euros. De ce qu’on a constaté, en Australie, il y a les pvtistes les plus débrouillards et certains partent avec très peu d’argent. Mais parfois cela peut compromettre le projet et précipiter le retour dans le pays d’origine.

C’est important d’avoir une assurance au cas où quelque chose de grave nous arrive. Le Canada fait des vérifications, mais l’Australie non, par exemple. Et c’est pour cela qu’on voit des gens qui n’ont pas d’assurance et qui peuvent se retrouver avec de grosses dettes parce qu’ils ont été hospitalisés 2 semaines sur place.

L’autre conseil que je donne souvent est d’éviter de penser que l’herbe est plus verte ailleurs parce que parfois quand on voit des reportages à la télé ou dans la presse, on a l’impression qu’il n’y a pas de chômage au Canada ou en Australie, que tout est mieux ailleurs. Parfois, il y a un fantasme qui se crée sur le pays de destination et je crois qu’avoir trop d’attentes, trop d’espoirs c’est le risque d’être complètement déçu et de passer à côté de son expérience. Il faut être prêt à découvrir plein de choses, même des choses qui ne nous plaisent pas. Parfois on peut avoir du mal à trouver du travail, à rencontrer tout de suite des gens, etc. En étant prêt à ça, on est prêt à accueillir toutes les situations.

En tant qu’ancienne pvtiste, quels sont ton gain et ta perte à la suite de cette expérience?

J’ai gagné beaucoup en débrouillardise et en confiance. Avant de partir, j’étais jeune, j’habitais chez ma mère. Même si je savais gérer un budget, parfois on a manqué d’argent avec Mathieu au Canada et j’en ai manqué aussi en Australie. Mais nous avons rebondi.

Il y a des moments de difficulté par cycle et après ça repart, bien souvent. J’ai également amélioré mon anglais. C’est pour ça que je venais d’ailleurs. Je ne peux pas parler de bilinguisme, mais je me suis beaucoup améliorée.

Et puis, je suis revenue avec le « virus du voyage » si on peut toujours dire ça aujourd’hui dans le contexte pandémique. En tout cas, je suis revenue avec le goût du voyage et c’est quelque chose qui a été déterminant dans la suite de mon parcours. Quand je suis partie au Canada, je ne savais pas que j’aimais voyager. Je ne l’avais pas vraiment fait avant, donc voilà, je suis revenue voyageuse. Et en plus, je suis revenu avec le lancement de notre projet. Pvtistes.net, c’est mon bébé 🙂

J’ai aussi perdu quelque chose: un peu d’innocence parce que j’ai vécu la rupture avec Mathieu. Ça a été très dur. Ceci dit, ça m’a beaucoup aidée à grandir. Il se passe des choses pendant un PVT : c’est parfois super, parfois difficile. Mais j’ai rebondi en partant en Australie et c’était une très bonne décision, je pense, car ça m’a fait énormément de bien de repartir. L’Australie a été une bouffée d’air frais incroyable.

Avec le recul de tes 2 expériences PVT, as-tu eu une préférence ou elles étaient plutôt complémentaires?

À Toronto, j’étais une pvtiste sédentaire. J’ai voyagé une semaine par ci, une semaine par là. En Australie, c’était un PVT plutôt nomade. Donc, les deux n’avaient rien à voir. Quand je dois expliquer aux gens le concept du PVT, je mentionne souvent mes PVT pour montrer le fait qu’un PVT peut ne pas du tout ressembler à un autre. En Australie, j’ai renforcé mes connaissances en anglais et j’avais un hiver bien différent des -35 degrés à Toronto. En Australie, il faisait tout le temps chaud. Le Canada est loin de la France, mais l’Australie est encore plus loin, sans compter le décalage de 10 heures. Donc, je me sentais loin des gens. J’en ai profité, mais je ne suis pas sûre que j’aurais aimé vivre aussi loin pendant plusieurs années.

Lors d‘un sejour PVT, il faut bien profiter du V et du T du programme. Mais dans un contexte de crise sanitaire, pour bien profiter du V il faut d’abord avoir le T ou du moins une promesse d’embauche pour pouvoir partir. Que penses-tu de cette nouvelle configuration : le PVT qui migre vers un PTV?

Oui, cette année, la priorité est donnée au travail, dans le cadre de la crise sanitaire et j’ai entendu beaucoup de gens dire que cette situation dénature complètement le PVT. Ils ont raison, car le PVT est avant tout un programme de découverte à la base. Mais le fait que le PVT Canada ouvre cette année est déjà une bonne nouvelle en soi, car pour d’autres pays (comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, tout est toujours en suspens depuis plus d’un an).

Et puis, pour le PVT Canada 2021, on peut partir avec une offre d’emploi de 2 mois, par exemple, et passer le reste du temps à voyager. Le PVT serait vraiment dénaturé si on nous forçait à partir pour 2 ans de travail.

Quel serait ton rêve ou le plus grand projet envisagé pour pvtistes.net?

J’ai un projet qui me tient spécifiquement à cœur : la traduction du site en anglais. À cause de la pandémie, nous avons mis ce projet en pause, mais l’idée c’est de toucher aussi les pvtistes anglophones, car on s’est rendu compte qu’il n’y a pas vraiment de site comme le nôtre ailleurs. Il y a des sites payants, des sites d’accompagnement et je pense que ces sites ont tout à fait leur place quand les gens ont besoin d’être accompagnés parce qu’ils ne comprennent pas le fonctionnement ou parce qu’ils sont habitués à passer par des organismes. Mais ceux qui n’ont pas le budget ou l’envie de se faire accompagner de façon payante peuvent trouver l’information sur pvtistes.net.

Dans ce projet de traduction, la question de notre nom se pose. Va prononcer pvtistes en anglais ! 🙂
Malgré la période compliquée, on va se remettre dès que possible à la traduction, car le fond de notre travail est d’aider le plus grand nombre de gens (Anglais, Irlandais, Allemands, Italiens…). C’est ça qui nous rend heureux.

À Montréal, la CITIM offre un accompagnement sur mesure aux pvtistes pour les aider dans leur intégration socioprofessionnelle au Québec. Entre la CITIM et pvtistes.net il y a une collaboration de longue date. Comment vois-tu le rôle de la CITIM dans la relation d’aide avec les pvtistes?

Pour moi, on se complète. On s’est toujours complétés. Ça fait des années qu’on parle de vous sur pvtistes.net. Nous avons publié plusieurs articles sur vos services : un qui explique l’atelier de 4 jours et il y a également une membre de notre équipe qui est venue sur place pour les tester.

Je vois comme un fil entre nous deux. On est beaucoup en amont même si bien sûr, on offre aussi des informations sur la vie sur place. Et vous, vous assurez la continuité à Montréal. Vous proposez beaucoup d’ateliers qui vont les enrichir sur l’aspect interculturel, le CV, la recherche d’emploi, le marché du travail et quand on arrive à l’étranger c’est très agréable de se dire : je ne sais pas ce que va me réserver l’avenir dans les prochaines années, mais ce que je sais c’est que je dors à tel endroit ce soir et que dans 2 jours, je vais à la CITIM. Ça fait un cadre qui est rassurant.

Pour un pvtiste qui va à Montréal, je vois deux incontournables : un avant le départ, qui serait pvtistes.net et un sur place, qui serait la CITIM. Et cette continuité est très structurante et cohérente. Nous sommes beaucoup dans la théorie, vous êtes plus dans la pratique. Et c’est une belle complémentarité.

Par Madalina Vlasceanu, chargée de la promotion et des partenariats à la CITIM.