Embauche, reconnaissance et gestion des compétences

À l’heure où nous entendons beaucoup parler de « pénurie de main-d’œuvre, d’emploi, métiers, tâches, profession… et de job », une question reste subjacente. Commet reconnaître ou faire reconnaître les compétences que nous avons acquises durant notre carrière ? D’autant plus lorsque ces dernières ont été acquises hors Québec. Et qu’en est-il des diplômes?

Les compétences professionnelles et l’univers des savoirs
Les compétences professionnelles sont des aptitudes mêlant savoir-faire et savoir-être. Ces capacités permettent à un salarié de gérer convenablement les missions qui lui sont confiées dans le cadre de ses fonctions.

Trois savoirs composent les compétences :

  • La connaissance (le savoir)
  • La pratique (le savoir-faire)
  • Les attitudes (le savoir-être) dans le contexte de l’entreprise

J’y ajoute depuis plus de 20 ans, une quatrième :

  • La transmission des savoirs (faire-savoir). Cette compétence consiste à transmettre à ses collègues les trois premières. Dans une période où trouver ces talents est chose difficile pour les organisations, permettre cette transmission de savoir de façon régulière et permanente peut s’avérer utile.

Un diplôme est-il une compétence ?
Il est courant de parler de « diplômes » quand nous sommes interrogés sur nos « compétences ». On dirait qu’inconsciemment nous avons envie de parler d’emblée de « connaissances ». Ces termes ne traduisent pas les mêmes réalités.

  • Il est communément admis que la connaissance s’applique aux savoirs théoriques et techniques qui s’acquièrent par formation, expérience professionnelle ou extra-professionnelle.
  • Il est tout autant reconnu que la compétence ajoute une dimension pratique, l’habileté de mise en œuvre des connaissances en une situation bien spécifique.
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Mais alors, les compétences ne deviendraient-elles pas plus importantes que le diplôme ?

1. « Compétences ET diplômes » ou « compétences OU diplômes » ?

Le monde du travail a longtemps enseigné que la détention de diplômes doit se conjuguer à des compétences concrètes et transférables cumulant ainsi les deux dans les descriptifs des offres d’emploi.

Nos diplômes sont évidemment une réalisation extrêmement importante à laquelle la majorité d’entre nous avons consacré plusieurs années.

En graduant, nous gagnons une certification de nos connaissances professionnelles que nous garderons durant toute notre vie et parfois, nous devons amener la preuve aux employeurs que nous avons su acquérir des connaissances dans nos champs d’études. Mais dans notre monde d’aujourd’hui, où tout évolue vite, certaines matières enseignées à l’école deviennent obsolètes et inapplicables très rapidement aussi. Alors qu’en est-il des diplômes acquis il y a plus longtemps?

Les entreprises comprennent qu’un diplôme (académique) ne prépare pas nécessairement à une carrière. Les employés doivent donc apprendre à adapter et faire évoluer leur bagage de compétences et de connaissances en lien avec les marchés. Voilà pourquoi l’acquisition de compétences pertinentes est en fait plus importante que l’acquisition d’un diplôme. Ces compétences sont transférables et applicables à toute industrie, à tout emploi et à toute situation. En gagnant de l’expérience concrète dans nos champs d’études, nous serons toujours mieux préparés à ce qui nous attend probablement sur le marché du travail.

Durant ces années, à travers nos stages et divers contrats en lien avec nos formations académiques, nous avons donc acquis des compétences. Et ces dernières sont, à n’en pas douter, transférables et peuvent vous aider à exceller dans vos projets d’avenir.

Ces faits sont confirmés par une étude d’Harvard Business School du 11 février 2022. Cette dernière réalisée sur plus de 51 millions d’offres d’emploi publiées entre 2017 et 2020 met en avant les faits suivants :

« Si la demande de talents dépasse largement l’offre, les employeurs mettent moins l’accent sur les diplômes. Cela est devenu de plus en plus évident dès la fin des années 2010. Entre 2017 et 2019, les employeurs ont réduit les exigences en matière de diplômes pour 46 % des postes moyennement qualifiés et 31 % des postes hautement qualifiés. Parmi les emplois les plus touchés figuraient ceux des TI et des postes de gestion, qui étaient difficiles à pourvoir pendant cette période.

L’essence de la réinitialisation structurelle est la suivante : lors de l’évaluation des candidats à un emploi, les employeurs suspendent l’utilisation de l’obtention d’un diplôme comme indicateur indirect et favorisent désormais l’embauche sur la base des aptitudes et compétences démontrées. Ce passage à l’embauche basée sur les compétences ouvrira des opportunités à une large population d’employés potentiels qui, ces dernières années, ont souvent été exclus en raison de l’inflation des diplômes. (Cette population comprend les employés potentiels qui ont été décrits comme des « travailleurs cachés » et des « STAR ».) »

Cette réinitialisation structurelle est une évolution prometteuse. Mais il reste encore un long chemin à parcourir. Parmi les descriptions de poste de niveau intermédiaire qu’ils ont examinées, 37 % n’ont montré aucune réduction des exigences en matière de diplômes, ce qui signifie que quelque 15,7 millions de personnes ont effectivement été exclues du bassin de candidats, alors même que les employeurs se plaignent amèrement de l’indisponibilité des travailleurs sur l’ensemble des pays observés.

Quoi qu’il en soit, les exigences de diplômes ne sont pas amenées à disparaître. Mais dans tous les cas de figure, il faut utiliser les outils déjà en notre possession pour faire reconnaître nos diplômes et compétences.

Solutions pour faire reconnaître les diplômes et compétences acquises durant nos carrières :

  • L’évaluation comparative des études effectuées hors du Québec (évaluation comparative)
    Le Gouvernement du Québec met à notre disposition une solution permettant de comparer deux systèmes éducatifs officiels de façon générale (cf. lien sources).
    Votre employeur peut demander une évaluation comparative des études effectuées hors du Québec pour l’aider à mieux comprendre votre diplôme.
    L’évaluation comparative n’est pas une équivalence de votre diplôme obtenu à l’étranger. Elle indique à quel niveau scolaire et à quel domaine de formation au Québec peuvent être comparées vos études.
    Avoir en main cette évaluation pourrait faciliter vos démarches de recherche d’emploi.
  • Faire reconnaître vos compétences acquises à l’étranger par un employeur
    Si votre profession ou métier n’est pas réglementé au Québec, vous pouvez commencer votre recherche d’emploi dans votre domaine et postuler directement auprès d’employeurs.
    Il est possible que l’employeur puisse évaluer les compétences que vous avez acquises à l’étranger grâce à ses connaissances dans son domaine d’activité.

2. Deux cas de figure se présentent :

La reconnaissance de vos compétences acquises à l’étranger si votre métier ou profession est réglementé au Québec.

Au Québec, certaines professions sont réglementées par des organismes.

Les organismes de réglementation assurent la protection du public en surveillant et en contrôlant l’exercice d’un métier ou d’une profession partout au Québec.

En voici quelques exemples :

  • Ordres professionnels (ingénieur, ingénieure, infirmière ou infirmier, etc.)
  • Ministère de l’Éducation (enseignante ou enseignant préscolaire, primaire, secondaire)
  • Autorité des marchés financiers (agent, agente d’assurance, planificateur financier, planificatrice financière, agente ou agent en courtage hypothécaire, etc.)
  • Commission de la construction du Québec (travail sur les chantiers de construction : électricien, électricienne, plombier ou plombière, etc.)
  • Emploi-Québec (inspectrice, inspecteur d’appareils sous pression, mécanicienne, mécanicien de machines fixes, électricienne, électricien, plombier ou plombière hors chantier de construction, etc.)
  • Certains comités paritaires (secteur des services automobiles, agentes et agents de sécurité).

L’organisme de réglementation peut reconnaître une partie ou la totalité de vos études et de vos expériences de travail acquises à l’étranger.

Vous pouvez consulter Qualifications Québec pour vérifier si la profession que vous visez est réglementée au Québec.

La reconnaissance de vos compétences acquises à l’étranger par un employeur

Si votre profession ou métier n’est pas réglementé au Québec, vous pouvez commencer votre recherche d’emploi dans votre domaine et postuler directement auprès d’employeurs.

Il est possible que l’employeur souhaite évaluer vos compétences acquises à l’étranger. Cela peut se faire par différents moyens :

  • Tests
  • Entretiens avec un professionnel de l’organisation en lien avec le poste sur lequel vous candidatez
  • Lettres de références de vos employeurs passés attestant de vos compétences
  • Attestations de formations professionnelles passées et attestant des compétences acquises à la suite de ces formations.

Quel que soient nos origines, nos diplômes, nos compétences, nos parcours de vies, nous devons parler métiers, savoir-faire, savoir-être. N’oublions pas que, si les diplômes pouvaient n’avoir qu’une valeur « nationale », les compétences acquises ou en cours d’acquisition sont non seulement non genrées, mais internationales et par conséquent transposables d’un pays à l’autre.

Nous sommes quoiqu’il en soit à la croisée des rencontres entre la demande et l’offre.

Les organisations sont avant tout caractérisées par la capacité à créer de la valeur, ce qui nécessite réactivité, souplesse, capacité à faire face à un univers économique dans lequel la « prévisibilité » est de plus en plus faible. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication accélèrent ces évolutions en favorisant les modes de fonctionnement en réseau et la mise en place de nouveaux outils de gestion.

Le premier capital de l’organisation demeure ses employés et leurs capacités, individuelles et collectives, à mieux satisfaire les clients et à faire progresser cette dernière.

La gestion des compétences est au fondement de ces conditions de productivité. Dans des organisations en évolution permanente, la définition des emplois comme une somme de tâches prescrites entrave l’amélioration des performances économiques et le développement du professionnalisme des salariés. De nouveaux modes de gestion fondés sur la mobilisation et le développement des compétences doivent être inventés.

Le passage à une démarche compétence suppose d’introduire au cœur des préoccupations des directions générales la recherche d’une amélioration permanente du potentiel de compétences de ses salariés et d’une plus grande adéquation entre l’évolution de ces compétences et le projet stratégique de l’organisation.

Pour les employés, la logique des compétences ouvre la perspective d’une convergence entre les besoins des organisations et l’aspiration de ces dernières à une meilleure prise en compte des compétences qu’ils exercent ou qu’ils sont susceptibles d’acquérir. L’appel à la motivation et à la responsabilisation des employés ne prend sens que s’il s’accompagne d’une reconnaissance des savoir-faire mobilisés.

Mais, cela implique l’acceptation d’une gestion des carrières qui ne soit plus basée sur des critères catégoriels, une adaptation permanente des compétences et une mobilité accrue en cours de vie active : les individus les plus valorisés sur le marché du travail ne seront pas seulement ceux qui disposeront des savoirs les plus poussés ou les plus pointus, mais aussi ceux qui sont parvenus à combiner une large gamme de compétences à travers la diversification de leurs expériences professionnelles.

La gestion des compétences n’est pas seulement une opération de nature technique. Elle est le fruit d’un débat, au sein du dialogue social, qui permet d’établir ce qui est valorisé dans le travail, ainsi que les modalités de validation et de reconnaissance des savoir-faire mis en œuvre.

L’engagement réciproque des organisations et des individus ne peut s’effectuer en l’absence de règles issues du dialogue social. Pour les uns comme pour les autres, le développement des compétences constitue un investissement.

La convergence des attentes est subordonnée au fait que l’investissement consenti par chacune des parties soit équilibré par ce qu’elle en retire : pour l’employeur, une plus grande responsabilisation et une meilleure performance des employés; pour l’employé, une consolidation de son professionnalisme et une valorisation renforcée de ses compétences dans le cadre d’une carrière diversifiée.

Tout système humain est mouvant. C’est encore plus vrai en entreprise, qui réunit un ensemble d’individus qui se coordonnent pour réaliser à l’instant « t » un produit ou un service qui sortira dans un futur plus ou moins lointain. Et ça ne s’arrête jamais. Les salariés doivent s’adapter sans cesse, soumis par des facteurs exogènes (marché, réglementation, innovations) et des facteurs endogènes (méthodes, organisation, etc.). En outre l’équipe elle-même est en mouvement, les gens partent, arrivent, évoluent.

Interrogeons-nous au quotidien sur notre façon de faire, afin de voir en quoi nous pouvons l’améliorer et la transformer dans l’étape d’après.

Organisations, embarquez vos troupes, en encourageant la créativité et l’initiative! Chercheurs d’emploi, employé(e)s, adaptez vos parcours avec des mots présentant, justifiant vos expériences! Et pour toutes et tous, un petit rappel de Confucius celui qui prônait l’apprentissage par l’expérience : « Il n’y a qu’une seule chose dans la vie qui ne change jamais, c’est le changement ».

« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ! » Albert Einstein

Article proposé par Christophe Charré – Spécialiste en Développement des Compétences